Bartabas et son cheval blanc
Il était une fois un homme qui avait au fond de son corps et dans son cur des grandes flambées de violence, comme une bête sauvage. Dans ces cas-là, il cherchait la bagarre, il la trouvait à tous les coups et ça le rendait très malheureux.
Il y avait un seul être au monde qui pouvait lempêcher de se laisser déborder, cétait son cheval, Eclair.
Eclair était un animal, peut-être, mais cétait surtout un conseiller et un être de sagesse. Quand son maître était sur son dos, il pouvait le conseiller, lapaiser, lempêcher de faire ses plus grosses bêtises. Mais dès quil sortait dans la rue, ça le reprenait.
Et Bartabas rentrait le soir et disait à son cheval :
-Ca y est, jai encore fait le couillon.
Le cheval ne disait rien de plus, son maître montait sur son dos. Et à tous les deux, ils inventaient des danses, des acrobaties, les figures très difficiles et Bartabas oubliait son diable dans son corps.
Un jour, pourtant, il a dit à Eclair :
Le cheval était un magicien. Il avait des pouvoirs contre ce mal qui dévorait Bartabas. Il lui dit :
Cétait un terrible prix à payer, mais lhomme était prêt à tout pour délivrer son cur.
Ils partirent donc tous les deux et cavalèrent toute la journée.
Au soir, ils arrivèrent dans un verger en fleurs, et il y avait un lama qui broutait des fleurs et de lherbe.
Bartabas met pied à terre et cherche un peu de bois pour faire cuire un lapin quils avaient chassé dans laprès-midi.
A peine ça commençait à sentir bon la grillade quun homme immense et imposant surgit derrière Bartabas.
Cest un baroudeur, tout équipé pour marcher, camper, attaquer. Le lama qui est là est sa monture. On lappelle Brûlot, à cause de son goût pour les incendies. Dailleurs, à la place dun bâton de marche, il a une énorme allumette avec un bout tout rouge pour flanquer le feu où ça lui chante.
Il nen faut pas plus pour que Bartabas se sente en danger dexploser. Déjà il serre les poings, il voit rouge. Mais son cheval est à côté, qui lencourage de lil.
Les deux hommes mangent et font mieux connaissance. Et quand vient la nuit, ils se couchent tous les deux, chacun contre son animal pour ne pas avoir froid.
Au milieu de la nuit, Bartabas se réveille, inquiet. Il a froid. Il cherche son cheval à tâtons mais Brûlot sest sauvé, emportant son lama et le beau cheval blanc
Bartabas est furieux, très malheureux, dautant plus quil sait combien il peut être violent quand son cheval nest pas là pour le tenir un peu.
Dès que le jour se lève, il marche dans les traces laissées par le voleur et les deux animaux.
A un moment, il comprend, parce quil ny a plus que les traces des animaux, que Brûlot est monté sur le dos du cheval. Il se demande pourquoi, mais il a bien vite la réponse : le pirate a mis le feu à la plaine. Tout est en flammes et Bartabas na plus aucune chance de rester vivant tant les flammes lentourent et le menacent.
Juste à ce moment, quelquun surgit derrière lui : une espèce de bandit à la carabine, un égorgeur, un fou qui veut sa peau.
Cette fois, cen est trop, Bartabas na même pas une idée de ce quil peut faire pour sortir de là. Même la bagarre ne servirait à rien.
Dans un geste réflexe, il met la main dans sa poche, comme pour y chercher une arme. Et cest un serpent quil trouve. Un serpent bien vivant, quil sort dabord parce quil en a peur et quil préfère léloigner de son corps.
Dans un geste désespéré, il le pointe vers ce fou habillé en noir dans lespoir de lintimider.
Mais ce serpent est un magicien qui a dû entrer dans sa poche quand il dormait contre son cheval cette nuit, à même la terre. Allez savoir : cest peut-être même un esprit dEclair, qui a pris le relais de son ami pour le guider vers le Bien. En tous cas, le serpent crache un violent venin tout rouge qui détruit dun coup lHomme en Noir et nen laisse quun petite pierre volcanique noire et rêche ; une pierre de lave.
Du même geste il pointe le Serpent vers le feu et voilà que le reptile devient une pompe à incendie et sort de son corps une incroyable quantité deau. Le feu est bientôt maîtrisé et Bartabas se retrouve, plein de cendres et de fatigue, assis à même le sol.
Il remercie le Serpent et lui demande de rester son Conseiller et son Protecteur pour tout ce voyage. Il lui raconte pourquoi il est parti de chez lui et combien il souhaite retrouver son cheval Eclair.
Le Serpent ne dit rien.
Bartabas ne dit plus rien non plus. Il reste les yeux fixés sur la pierre noire, tout rêveur. Cette pierre, cest tout ce qui reste de ce deuxième personnage, dont son cheval lui avait dit : si tu arrives à rencontrer trois personnes sans provoquer la bagarre, tu seras délivré du monstre qui te dévore le cur.
Le premier, ce bandit qui est parti avec son cheval, il ne la pas frappé. Le deuxième, il ne la pas frappé non plus. Et cest le Serpent qui la sauvé.
Bartabas regrette pour ce gars. Sil avait eu un cheval à lui, ce Black, peut-être quil aurait pu devenir plus cool et maintenant, il serait vivant, au lieu dêtre une pierre.
Bartabas met la main dans sa poche, en retire le Serpent et le pointe vers la pierre. La magie se fait à lenvers et le gars redevient vivant, avec son fusil et tout. Mais de se voir transformé par celui quil voulait tuer, ça lui fait comme un petit craquement dans son cur. Il na plus envie de détruire, daller comme ça tout seul à travers le monde, à la recherche de gens à voler ou à trucider.
Bartabas non plus. Ils décident de partir ensemble chercher le cheval et son voleur.
Ils ont marché toute une journée dans les cendres de la plaine brûlée, à la recherche des indices des animaux volés. Et le soir, sortis de tout ce désastre ils sont arrivés en haut dune colline. En bas il y avait une immense prairie verte, des peupliers au loin, avec un camp de gitans. Plus loin encore, deux animaux broutaient : un cheval blanc et un lama.
Les deux gars se sont dit : "Où est passé Brûlot?"
Il nétait pas loin !
Il venait de voler deux roulottes aux gitans, avec leurs chevaux noirs et il était en train de rouler à toute allure sur la route qui allait vers un village.
Le temps que les deux amis descendent de leur colline, le Bandit était loin. Mais ils ont été rejoindre les Gitans, qui ne sétaient même pas encore aperçu quon leur avait volé leurs maisons roulantes.
Tous ensemble, ils se sont organisé pour la poursuite.
Bartabas a sauté sur le dos de son cheval bien-aimé, pendant que Black sautait sur le dos du lama et tous les deux ont foncé devant pour barrer la route à Brûlot. Ils avaient bien un peu envie de lui casser les os, à cette ordure. Mais Bartabas navait pas envie dy laisser un os à lui ! Il a préféré un autre moyen. Une fois quils ont eu attrapé Brûlot, ils lont entouré complètement de scotch très solide, ils lont fourré dans un grand carton et ils ont envoyé le carton à la Police
Puis les deux amis ont dit au revoir aux Gitans. Et le plus vieux des Gitans a dit à Bartabas :
Ils ont marché toute une journée
Quand ils sont arrivés devant cette maison, justement la Fille passait, un seau pendu au bras pour nourrir ses chevaux.
Cétait la troisième personne rencontrée par Bartabas, au cours de son voyage. Là, il na même pas eu lidée douvrir une bagarre. Cest juste le contraire qui lui est arrivé. Il est tombé amoureux. De tout : de la fille, des chevaux, des musiciens qui jouaient dans la maison et qui faisait la fête aussi souvent quils en avaient envie, de la maison et des gens qui y travaillait. Même si là dedans, cétait un peu le cirque
Je crois quil sest finalement arrêté là, toujours avec Black qui est devenu acrobate sur cheval. Ou musicien, je ne me souviens plus très bien.
Si vous passez par là, allez voir les chevaux de Bartabas et de sa compagne, vous ne serez pas déçus !
Cétait une racontée de Brigitte Beaumont
Avec la complicité des groupes de Monique et Jacqueline
Institut St Pierre, à Palavas
10 mars 2000